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IX


SOISSONS LE SOIR


Il n’y a point d’heure dans cette Cathédrale ; il y a l’éternité. La Nuit n’y met-elle pas plus d’harmonie que le jour ? Est-ce que les Cathédrales auraient été faites pour la nuit ? Le jour vainqueur, qui les inonde de clarté, ne les subjugue-t-il pas trop ?

Ah ! beauté que j’avais pressentie ! Je suis pleinement satisfait. Les restaurations qui, dans la lumière du jour, offensaient mes yeux, sont maintenant effacées. Quelle invincible impression de virginité ! Quelle fleur de catacombe ! C’est une forêt vierge, qu’éclairent de puissantes lumières jaillies d’une des nefs latérales…

Oui, c’est la nuit, c’est quand toute la terre est dans l’obscurité, c’est alors, grâce à quelques lueurs, que les architectures reviennent ; c’est alors qu’elles retrouvent tout leur auguste caractère, comme le ciel reprend toute sa grandeur dans les nuits étoilées.


Ainsi, j’avais un rendez-vous, cette nuit, avec l’image du ciel que j’ai dans le cœur, avec ce ciel qui n’aura pas de lendemain, peut-être… Pourquoi faut-il que la Cathédrale divine soit insultée, que cet Ecce Homo de pierre soit tourné en dérision ?… Pourtant, moi, atome de vie, pendant les instants que je passe dans cette église, je me sens plein des siècles de jadis, des siècles vénérables qui ont produit ces merveilles ; ils ne sont pas morts ! Ils