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nuer son caractère. Ils voyaient dans l’art un équilibre des forces, emprunté à la nature, c’est-à-dire à une raison plus haute que la nôtre.

Obéir à cette raison, au lieu de la corriger par un calcul artificiel, c’est s’assimiler à ces forces infaillibles que l’artiste manie sans les comprendre, c’est entrer dans le secret de la nature. Soyons simples comme les Anciens. Plus nous serons simples, plus nous serons complets, car simplicité signifie unité dans la vérité.

L’étude, dans les écoles, est une étude de face, c’est-à-dire d’illusion. L’aspect même de l’homme, comme son esprit, réprouve cette erreur. La face est une résultante des divers profils. Le plan de chacun de ces profils est simple. Il faut, pour obtenir cette simplicité, une longue et patiente pratique des choses.

La vie se présente, du reste, à nous sous une apparence que nous avons calomniée. Nous ne savons plus comprendre ce tableau vivant des grandeurs heureuses. Nous passons sans le voir. Notre malheur vient de ce que nous voulons, comme des étourdis, retoucher la Nature. Notre opposition trahit notre impuissance.

Quelle jouissance, pourtant, et de quel secours est la nature prodigue à qui sait la voir et l’admirer ! Admirer, c’est vivre en Dieu, c’est connaître le ciel, — le ciel qu’on a toujours mal décrit parce qu’on l’a toujours cherché trop loin : il est là, comme le bonheur, tout près de nous ! N’importe quoi vous en suggérera la réelle présence, pourvu que vous soyez intelligent et sensible. Commencez par étudier une plante, la première venue, et vous mépriserez bientôt tout l’enfantillage des intérêts et tout le superficiel des ambitions.

Nous disons bien souvent que la température est mauvaise : qu’en savons-nous ?

Encore une fois, c’est l’ensemble qu’il faudrait pouvoir juger. Prenez patience en attendant d’avoir compris, et admirez d’abord. Tout est admirable, même ce qui nous blesse. La révolte contre la nature est une vaine dépense de force ; elle procède de l’ignorance et aboutit à la douleur.

Ah ! les mauvais temps, n’est-ce pas, les temps sombres, où le ciel est comme une mer qui menace, qui surplombe et va tomber — que c’est beau !

Ayons pour certitude première que la nature tout entière est belle, et,