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émulation dans l’incompréhension. La haine du christianisme est donc là pour bien peu de chose, si même elle y est pour rien. Les jésuites n’ont-ils pas été les pires ennemis des Cathédrales ? Non, ce n’est pas la destination des églises, ni le sujet des images pieuses que reprochent à l’art du moyen âge les Bénédictins de Saint-Maur, par exemple, aux XVIIe et XVIIIe siècles ; c’est leur forme « barbare », c’est de n’être pas grecques et romaines. S’il se rencontre encore quelqu’un pour daigner les admirer, c’est « quoique gothiques » : l’incompréhension totale du sujet choquerait moins, en vérité, que ce mépris de la beauté. Il est tel, tout ce qui touche aux œuvres d’art gothique est devenu, de consentement universel, si indigne d’étude, que ces mêmes Bénédictins, en toute autre matière les plus scrupuleux des érudits, parlent de nos Cathédrales en hommes qui n’ont pas pris la peine de les regarder. Ce fait, incroyable et certain, signale une aberration d’un ordre et d’un degré inconnus : comment, en effet, des historiens, même indifférents à l’intérêt religieux ou artistique de ces monuments, ont-ils pu n’en pas soupçonner tout au moins l’incomparable valeur historique ?

Quant aux interprétations téméraires, ou même tout à fait chimériques, elles abondent, et il en est de niaises, de folles, de saugrenues. D’autres sont seulement inquiétantes ; quelques-unes témoignent d’une obscure prescience des conclusions que la critique la plus moderne déduira de l’étude des religions comparées. Bien que dangereuses, les erreurs de cette sorte ne sont pas les plus offensantes ; si elles trahissent un vice intellectuel chez ceux qui les commettent, elles ne les accusent pas de mauvaise volonté. Si Montfaucon a cru voir des scènes de l’histoire de France dans les groupes sculptés aux façades de tels monuments gothiques, si Gobineau de Montluisant lit, au portail de Notre-Dame de Paris, le secret de la pierre philosophale, encore ont-ils cherché à comprendre, et, pour bizarres que soient leurs théories, elles s’expliquent par les préoccupations de l’époque.

Il y a plus et mieux qu’un sincère, et, par là même, déjà méritoire effort de compréhension dans les interprétations de Dupuis, de Lenoir, de M. Corroyer ; plutôt que de les consigner au chapitre des erreurs, nous en aurions réservé la mention pour celui où nous tâcherons de montrer la résurrection de la vérité gothique dans l’esprit moderne, s’il ne convenait de prendre en considération la condamnation dont ces doctrines audacieuses ont été l’objet, de la part de presque tous les savants actuels. Que, pourtant, l’ogive soit une « représentation de l’Œuf sacré, principe créateur de la grande déesse Isis », une telle affirmation peut