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renoncé à bâtir le temple de Dieu, depuis qu’il se propose d’élever le temple de la vanité humaine. Et pour ce nouveau temple il veut des matières plus précieuses, prodiguées en plus d’ornements qu’on n’en vit jamais. Mais la vanité avoue la pauvreté spirituelle du vaniteux. Trop de moulures dans nos palais. La mesure convient à la demeure de l’homme comme à lui-même.

Est-ce que les Juifs ne sont pas fiers de leur Bible, les protestants de leur morale, les musulmans de leur mosquée ? Ne défendent-ils pas, les uns et les autres, ces témoignages de leur foi, de leur histoire !

Nous n’avons pas cette fidélité, nous, qui ne défendons pas nos Cathédrales.

Et que défendrions-nous en elles ? Notre ignorance ne nous permet pas de voir qu’elles sont admirables, et pourquoi, et comment. Et les prêtres demandent leurs églises nouvelles aux architectes de nos music-halls, et commandent leurs statues de saints à des marchands.

Qu’a-t-on fait du cœur sanglant de ces foules de jadis, qui nous léguèrent ces poignants témoignages de leur douleur et de leur génie ? Voilà les vraies reliques. Qu’a-t-on fait du Parthénon chrétien ? Plus jeune que l’autre, il est plus caduc.

Sommes-nous donc plus barbares que les Arabes ? Ils respectent les monuments du passé. Ce qu’ils font par indifférence, ne pourriez-vous le faire par devoir, puisque les monuments gothiques vous ont été confiés ? — On n’ose dire : Ne pourriez-vous le faire par amour et pour votre joie ?


Je veux vous dire quels biens vous dédaignez.

Ils sont à tous ; chaque Français en a sa part de nue propriété, comme il en a, au fond de l’âme, sa part de vie morale.

Mener le peuple à la Cathédrale, c’est le mener chez lui, dans sa maison, dans la citadelle de sa force. Le pays ne peut pas périr, tant que les Cathédrales seront là. Ce sont nos Muses. Ce sont nos Mères.

Venez voir ce qui est à vous, ce qu’on est en train de vous prendre. Il en reste encore de magnifiques débris.


Foi perdue, beauté oubliée.