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C’est un Claude Lorrain du matin, admirable de profondeur. Et c’est le printemps. Je respire en moi ce ravissement d’un matin de printemps. Le coq annonce le jour, un soupir immense s’exhale. O merveille ! Terre amoureuse ! Paysage de fraîcheur et de bonheur ! Les proportions n’ont rien d’excessif. Les choses ne concourent pas en grandeur avec l’homme. Mais lui, dans cette atmosphère qui libère son esprit des petites choses, il peut penser la grandeur et la réaliser.


Le ciel est plein de nuages qui s’avancent en rampant, plus ventrus les uns que les autres, ménageant, déplaçant avec leurs volumes la lumière et produisant toujours d’heureux effets.

Ce site est riche de lumière, grâce aux oppositions harmonieusement combinées. Le peintre qui voudra le rendre « fera plat » s’il ne prend garde à ces oppositions. Et c’est la faute dans laquelle est tombé plus d’un mauvais impressionniste.


Le regard est entraîné au loin, tout au loin ; le paysage est comme réfléchi dans l’eau, et la majesté du Mont Valérien s’étend sur cette nappe irréelle et véritable.

Ce Mont Valérien, je veux m’imaginer que c’est l’Acropole, dans un ton gris d’argent de Corot… Ah ! la Grèce ! Je pense tout de suite à elle quand je sens sur mes lèvres ce miel de l’admiration pour la beauté. La Grèce ! Autre ciel ivre de printemps ! — Et ces deux tons blancs, là-bas, sur la colline, ce serait le Parthénon…


La gloire de cet arbre fruitier plein de fleurs, au premier plan…


Mais le plus beau du paysage, c’est l’éloignement qui le donne ; c’est-à-dire que la beauté supérieure réside dans les effets de la profondeur.

… Pourtant, voici un effet charmant : toute la colline et ma maison se présentent comme une tapisserie, et elles ne s’éloignent pas. — Au premier plan, un arbre et les ramifications des branches clairsemées ; au fond, le ciel, plat, laiteux, sauf les taches rieuses du lilas ; le paysage court entre ces deux plans et tout cela ne fait qu’une grande tapisserie, sans lointain recul.