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Comme elle était vraie, juste et féconde, la méthode de nos vieux maîtres du XIe au XVIIIe siècle ! Cette méthode, c’est, en grand et dans l’union de toutes les forces humaines d’une époque, la méthode même de nos activités individuelles, quand elles sont bien conduites : c’est la collaboration perpétuelle de l’homme avec la nature.

En effet, où faut-il chercher la science ? Partout. Il faut la demander aux moindres comme aux capitales circonstances de la vie, à notre instinct comme à notre réflexion.

C’est souvent dans les choses d’apparence modeste qu’on apprend le plus. Le travail est mystérieux. Il accorde beaucoup aux patients et aux simples, il refuse aux pressés et aux vaniteux ; il accorde à l’apprenti, il refuse à l’élève : et, un jour, la merveille naît des mains du modeste travailleur.

Où ai-je compris la sculpture ? Dans les bois, en regardant les arbres ; sur les routes, en observant la construction des nuages ; dans l’atelier en étudiant le modèle ; partout, excepté dans les écoles. Ce que j’ai appris de la nature, j’ai tâché de le mettre dans mes œuvres.

C’est ainsi que, dans ses maîtresses-œuvres, le Gothique a fait entrer les jardins, les vergers, les espaliers, après la forêt et le rocher, et tous les légumes amis de la chaumière, et toutes les légendes aimées aussi des pauvres, et tous les plus délicats détails comme les plus sublimes épisodes de la vie. Et il ne s’est pas contenté d’emprunter partout à la nature, par un labeur constant, humble et passionné, des beautés pour en composer la fête des jours : il s’est assimilé aussi, pour renouveler cette fête, pour l’entretenir en la variant, les lois qui président aux créations naturelles ; juste méthode qui lui a permis de se nuancer sans se démentir et de continuer à charmer des générations nouvelles.

Ces variations, ce sont les passages d’un style à un autre.

Avec quelle souplesse, quelle richesse d’invention, le génie français tourne, d’époque en époque, pour introduire une phase nouvelle dans le style architectural ! Il ne dérange rien dans ce qui était, il ne contredit en rien les principes de la phase accomplie. On suit l’ordre, comme fait la nature elle-même pour tirer un fruit d’une fleur. C’est une transmission de vie.