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Le consentement à cet hommage est assez général pour que nous puissions, sans blesser les convenances, le répéter même ici, en quelque sorte dans la maison de l’artiste, au seuil de son livre et au moment de lui céder la parole. Quelqu’un[1] l’a dit, devant le suffrage de qui la postérité s’inclinera d’autant plus volontiers qu’elle mettra l’œuvre du peintre tout près de l’œuvre du sculpteur : « On ne le glorifiera jamais assez : Rodin est le plus grand artiste qui ait vécu depuis des siècles. »

Tel est l’homme qui s’offre pur garant de l’art du moyen âge, qui nous invite à étudier, à tâcher de comprendre nos Cathédrales romanes et gothiques[2].

Le croirons-nous sur parole ? Ferons-nous ce crédit à son mérite et à sa renommée ? Saisirons-nous cette occasion de lui payer enfin la dette que nous avons, par une si longue ingratitude, contractée envers lui ?…

L’éloquence de sa démonstration nous rejoindra d’autant plus sûrement et profondément que nous en sentirons mieux l’absolue logique. Voyons donc comment, à ses débuts, enchanté de la Renaissance, il s’est épris du moyen âge : par quels chemins il est allé, selon ses propres expressions, « du Parthénon à Chartres ». — Ce sera, du même coup, nous rendre compte des motifs qui expliquent et, dans une certaine mesure, excusent l’opposition qu’ont toujours rencontrée dans le public les efforts successifs, les découvertes successives, — le développement perpétuel de Rodin[3].

Développement perpétuel : soulignons ces deux mots. Ils éclairent toute la

  1. Eugène Carrière.
  2. On a protesté contre le goût exclusif de la plupart des artistes et des amateurs, aujourd’hui, pour l’architecture religieuse du moyen âge. On a rappelé que l’architecture civile, militaire, monastique et privée est digne aussi de notre admiration. Nous ne contestons pas la justesse de l’observation. Toutefois on conviendra que le génie roman et gothique a trouvé dans les Cathédrales son expression la plus complète et la plus haute. Si, du reste, l’architecture civile est distincte, comme on l’a prouvé, de l’architecture religieuse, elles sont toujours en harmonie l’une avec l’autre et c’est — comme l’exigeait la logique aux siècles où la pensée mystique avait la suprématie — de l’architecture religieuse que relevaient toutes les autres. L’architecture civile n’en produisit pas moins nombre d’œuvres de grand style dont nous ne méconnaissons certes point la beauté. Mais ces merveilles, du moins en France, ont laissé des traces assez rares. Nous n’y retrouvons guère d’hôtels de ville ni de maisons privées qui datent d’avant le XVe siècle, c’est-à-dire du dernier siècle proprement gothique. — Ajoutons que Rodin professe l’admiration la plus vive pour ces belles maisons d’autrefois, où le style gothique rencontre celui de la Renaissance ; maints passages de son livre témoignent de cette admiration.
  3. Cette interprétation de la pensée de Rodin nous est personnelle et n’engage nullement la responsabilité de l’artiste.