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Elle triomphe pourtant. Ce tout actuel mouvement idéaliste, que nous devons nous contenter d’indiquer, car son étude déborderait de toutes manières notre cadre, cette Autre Renaissance, ce second des deux gestes que nous annoncions, par lesquels l’art prend aujourd’hui l’initiative du rappel à l’unité, est l’événement nécessaire, et l’on eût pu le prédire dès l’heure où le naturalisme et l’impressionnisme étaient encore dans leur nouveauté : l’étude de la nature et les forces qu’ils puisaient en elle devaient ranimer, chez le poète et chez l’artiste, la fièvre du mystère, la passion des causes, l’ambition d’approfondir les secrets de la vie et de leur donner une explication humaine, l’espérance de voir renaître de cette nature possédée « les Dieux évanouis ».

La Nature est matière, l’Esprit est matrice, disions-nous naguère, en étudiant l’œuvre de Paul Gauguin, qui voulut bien reconnaître dans cette formule l’expression de sa propre pensée. Cette sorte de spiritualisation de la nature provoque le goût des symboles, qui fut celui du moyen âge et qui produisit la décoration des Cathédrales et leur architecture elle-même. Il est celui de notre époque ; elle accepterait volontiers pour devise la grande parole, mais en lui donnant un sens positif, affirmatif : « Tout ce qui passe n’est que symbole. » Elle cherche les lois de l’art comme le secret de la vie dans les origines, elle est particulièrement sensible aux modes d’expression primitifs. Pour nous en tenir aux arts plastiques, cela est manifeste dans la peinture et dans la sculpture toutes récentes.

Il est clair que, dans l’atmosphère dégagée par cet état d’esprit, l’art du moyen âge trouvera sûrement un accueil favorable. Mais, et c’est le grand honneur de l’âme contemporaine, elle reste fidèlement reconnaissante aux maîtres de la civilisation antique. Ils ne furent jamais mieux compris qu’en ce temps, jamais plus savamment étudiés, plus sincèrement admirés. — Qu’on apporte à l’étude du moyen âge la même sympathie informée et généreuse, et les deux moitiés de l’âme humaine pourront enfin se rejoindre ; l’espérance d’hier sera réalisée : les études modernes seront définitivement fondées sur leur double principe. Dans l’harmonie de ses deux éléments originels l’esprit moderne trouvera son unité.

Ces temps sont proches. Les archéologues en ont préparé l’avènement, que les poètes et les artistes sont prêts à hâter. C’est en faveur de l’art gothique que le dernier effort reste à faire. Au delà de l’ignorance, en deçà de la manie et de la mode, il faut qu’on le comprenne, qu’on lui rende justice, qu’on le respecte, qu’on déduise de ses principes, au bénéfice de l’art vivant, ses conséquences iné-