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en avoir une de l’espèce à grosse tête, pesant sept cents bonnes livres, pour très peu de chose de plus qu’une autre qui n’en pesait que cinquante. Tout en contemplant la grosse, je calculais en moi-même le nombre de soupes que le contenu de sa coquille aurait fournies pour un dîner du lord maire, ainsi que la quantité d’œufs renfermés dans son corps énorme ; et je me figurais le beau char qu’on eût fait avec sa carapace : oui ! un char dans lequel Vénus elle-même aurait pu sillonner la mer de Sicile, pourvu que ses tendres colombes eussent bien voulu lui prêter leur assistance, et que ni requin ni ouragan ne fussent venus culbuter l’attelage de la déesse ! Le pêcheur m’assura que ce monstre, bien qu’en réalité beaucoup meilleur qu’aucun autre de moindre taille, ne trouverait pas de débouché, s’il ne l’expédiait sur quelque marché lointain. Pour moi, j’aurais volontiers acheté cette tortue, mais je savais qu’une fois tuée, sa chair ne se garderait pas plus d’un jour ; c’est pourquoi je préférai en avoir huit ou dix petites qui firent, en effet, les délices de mes amis, et leur suffirent pendant longtemps.

On a recours à différents moyens pour prendre ces tortues sur les côtes des Florides, aux embouchures des fleuves et dans les rivières. Quelques pêcheurs ont l’habitude de tendre de vastes filets à l’entrée des grands cours d’eau, pour profiter du flux et du reflux. Les mailles de ces filets sont très larges, et les tortues, s’y engageant en partie, finissent par s’y embarrasser d’autant mieux, qu’elles font plus d’efforts pour en sortir. D’autres les harponnent à la manière ordinaire ; mais