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nos recherches. Les deux ours qui restaient furent bientôt découverts : ils étaient juchés sur un arbre, à environ cent pas de l’endroit où le dernier venait de succomber. Quand nous les eûmes cernés, nous reconnûmes sans peine qu’ils n’étaient pas d’humeur à descendre. En conséquence, on résolut de les enfumer. Un tas de broussailles et de grosses branches fut apporté au pied de l’arbre qui, sec comme il l’était, ne tarda pas à présenter l’apparence d’une colonne de feu. Les ours grimpèrent à l’extrémité des branches. Quand ils furent tout à fait au bout, on les vit un moment hésiter et chanceler ; puis les branches craquant et enfin ayant éclaté, ils dégringolèrent, en entraînant avec eux une masse de menu bois. Ce n’étaient non plus que des oursons ; les chiens les eurent promptement mis à mort.

L’expédition rentra à la maison au bruit des fanfares. Cependant le cheval de Scipion avait reçu une profonde blessure, et on le laissa en liberté pour se refaire au beau milieu du blé. Le lendemain, une charrette fut envoyée pour rapporter le gibier ; mais avant que nous eussions quitté le champ, chevaux, chiens et chasseurs, sans compter les flammes, avaient, en quelques heures, détruit plus de grain que la pauvre ourse et ses oursons n’avaient pu faire durant tout le cours de leurs visites [1].

  1. Même morale absolument que dans la fable le Jardinier et son Seigneur de notre bon La Fontaine :
    … « Les chiens et les gens
    Firent plus de dégât, en une heure de temps,
    Que n’en auraient fait en cent ans
    Tous les lièvres de la province. »