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tante de plus de cent milles, avaient amené près de trois cents porcs, pour les engraisser de la chair des pigeons qui allaient être massacrés ; çà et là on s’occupait à plumer et saler ceux qu’on avait précédemment tués et qui étaient véritablement par monceaux. La fiente, sur plusieurs pouces de profondeur, couvrait la terre. Je remarquai quantité d’arbres de deux pieds de diamètre, rompus assez près du sol ; et les branches des plus grands et des plus gros avaient été brisées comme si l’ouragan eût dévasté la forêt. En un mot, tout me prouvait que le nombre des oiseaux qui fréquentaient cette partie des bois devait être immense, au delà de toute conception. À mesure qu’approchait le moment où les pigeons devaient arriver, leurs ennemis, sur le qui-vive, se préparaient à les recevoir. Les uns s’étaient munis de marmites de fer remplies de soufre ; d’autres, de torches et de pommes de pin ; plusieurs, de gaules, et le reste, de fusils. Cependant le soleil était descendu sous l’horizon, et rien encore ne paraissait ! Chacun se tenait prêt, et le regard dirigé vers le clair firmament qu’on apercevait par échappées à travers le feuillage des grands arbres… Soudain un cri général a retenti : « Les voici ! » Le bruit qu’ils faisaient, bien qu’éloigné, me rappelait celui d’une forte brise de mer parmi les cordages d’un vaisseau dont les voiles sont ferlées. Quand ils passèrent au-dessus de ma tête, je sentis un courant d’air qui m’étonna. Déjà des milliers étaient abattus par les hommes armés de perches ; mais il continuait d’en arriver sans relâche. On alluma les feux et alors ce fut un spectacle fantastique, merveilleux et