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Mon cheval s’en allait doucement son petit train, et mes pensées, pour cette fois du moins dans le cours de ma vie, étaient tout entières absorbées par des spéculations commerciales. J’avais franchi à gué la crique des Highlands, et j’étais sur le point de m’engager sur une étendue de terrain déprimé, formant vallée, entre cette dernière crique et une autre dite la crique du Canot, lorsque soudain je m’aperçus que le ciel avait entièrement changé d’aspect ; un air épais et lourd pesait sur la contrée, et pendant un moment je m’attendis à un tremblement de terre. Mon cheval toutefois ne manifestait aucun désir ni de s’arrêter, ni de se prémunir contre l’imminence d’un tel péril, et j’étais presque arrivé à la limite de la vallée. Enfin, je me décidai à faire halte au bord d’un ruisseau, et je descendis pour apaiser la soif qui me tourmentait.

Je m’étais mis sur mes genoux, et mes lèvres touchaient à l’eau… Tout à coup, penché comme je l’étais vers la terre, j’entendis un sourd, un lointain mugissement d’une nature très extraordinaire. Je bus cependant ; et au moment où je me remettais sur mes pieds, regardant vers le sud-ouest, j’y observai comme un nuage ovale et jaunâtre dont l’apparence était tout à fait nouvelle pour moi. Mais je n’eus pas grand temps pour l’examiner, car presque au même instant un vent impétueux commença d’agiter les plus hauts arbres. Bientôt il se déchaîna avec fureur, et déjà je voyais les menues branches et les rameaux au loin chassés vers la terre. En moins de deux minutes, toute la forêt se tordait devant moi, d’une manière