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moire s’éloignait d’eux, emportant avec elle tout ce qu’ils avaient vécu de misère et d’amour, de crainte et d’espoir, de joie et de tourments. Le souvenir plus proche des mariages et des enterrements qui les avaient tant intéressés s’effaçait de même. Et si quelqu’un en parlait devant eux, ils se regardaient comme pour se dire : « Cela existe donc encore les mariages et les enterrements ? »

L’avenir ne comptait pas plus pour eux que le passé, ils vivaient du présent seulement, et pour personne d’autre que pour eux-mêmes. Et, parce qu’ils étaient en parfaite santé, tout leur semblait doux, facile et bon.

Le sommeil qui ne les fuyait plus la nuit leur tenait encore compagnie pendant le jour. Aussitôt après le repas de midi, l’hiver, dans leur maison bien close, ils sommeillaient sans rêver au coin du feu, dans le silence et la sécurité. L’été, bien à l’aise dans leur fauteuil d’osier, à l’ombre des chênes jumeaux, très grands déjà pour leurs sept ans et dont les branches trop rapprochées entremêlaient leur épais feuillage, ils somnolaient avec dans les oreilles le bourdonnement des abeilles et des