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voyait toujours attelés par deux ou par quatre, l’un derrière l’autre, leurs épaules étaient entourées d’une large sangle qui ressemblait à un licol, et ils tiraient comme des chevaux en tendant le cou et en faisant de tout petits pas.

Ici, la Meuse coulait entre deux montagnes bien plus hautes que les maisons de Paris et son eau claire les reflétait jusqu’au ciel. De l’autre côté du fleuve, trois grosses roches sortaient de la montagne. Les gens du pays les appelaient « les Dames du fleuve ». Elles n’avaient pas de têtes, mais on voyait bien tout de même qu’elles avaient été des dames parce que leurs robes à gros plis s’étalaient encore jusque sur le pré.

Michel était assis en face d’elles depuis un moment, lorsqu’il entendit dans le lointain un bruit de joyeuses clochettes : cela venait vers lui comme une jolie chanson, les clochettes étaient si claires et si gaies qu’il se mit à les imiter en chantant : « Tine, tigueline, cline, cline, cline, tiqueline, cline… »

Deux hommes qui passaient s’arrêtèrent pour écouter et Michel entendit l’un d’eux dire : « C’est sûrement le chaland de la reine