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Elle n’eut pas le temps de s’ennuyer. Moins d’un quart d’heure après, Noël arrivait, disant son propre ennui des jeudis passés à guetter du haut d’un arbre le départ du grand-père qui ne s’éloignait jamais, et sa joie de l’avoir vu partir enfin, malgré le mauvais temps. Les arbres avaient pleuré sur lui aussi, car ses vêtements étaient mouillés par place. La joie de Douce n’était pas moins grande. Son intelligence, déjà si vive, s’avivait encore depuis qu’elle allait en classe. Il y avait tant de choses qu’elle entrevoyait, et ne pouvait comprendre. Mais Noël était grand ; il devait tout savoir. Et, heureuse de lui annoncer qu’elle a eu, comme lui, des parents, elle répète les paroles de son grand-père à la maîtresse d’école.

Justement, la veille, on avait parlé de Douce à la ferme des Barray où allait souvent l’institutrice. Noël avait écouté sans en avoir l’air. Et c’est ainsi qu’il pouvait apprendre à sa petite camarade que sa mère était morte en la mettant au monde et que son père, fou de chagrin, s’était sauvé de la maison pour aller se noyer dans l’étang de la sapinière.

Douce lui dit seulement :

— C’était le 3 mai.