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emporter sa peine plus sûrement que des larmes ? Non. Elle le savait, son tourment ne finirait jamais. Depuis plus de dix ans que la séparation avait eu lieu, sa peine restait intacte. Devant cette certitude, sa pensée quitta la France et passa la mer pour faire ce reproche :

— Ah ! Noël, qu’as-tu fait ?

Sans Noël, un autre serait venu à elle, un être simple et pauvre qui l’eût aimée et lui eût donné des enfants. Que lui fallait-il pour être heureuse ? Un chien, un verger, une vieille maison proche d’une sapinière toute bruissante dans le vent et tout en or dans le soleil. Sans doute, de par le monde il ne devait pas manquer d’hommes faits sur le modèle de Louis Pied Bot et Jacques Hermont ; mais il avait fallu que ce fut Noël qui vînt. Noël qui était entré dans sa maison par escalade, comme un voleur, et qui, lui ayant tout pris, l’avait quittée sur un mensonge qu’il ne s’était pas même donné la peine de découvrir et s’en était allé par-delà les mers sans souci aucun du chagrin d’une jeune fille qu’il disait aimer.

— Ah ! Noël qu’as-tu fait ?

Et, redevenue craintive devant ce mal dont elle ne peut guérir, Églantine retourne à son jardin de souffrance, où, parmi les