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à hauteur d’homme et aussi impénétrable qu’un gros mur. Elle court sous les arbres, les contournant l’un après l’autre et parfois, grimpant sur l’une des grosses branches, elle reste là, perchée, à rire au nez du chien qui s’essouffle en des bonds énormes et pleure de ne pouvoir la rejoindre. Parfois aussi tout en courant elle se baisse pour ramasser une poignée de fleurettes qu’elle lance adroitement dans la gueule de son compagnon, rien que pour le voir éternuer, souffler, et rejeter les fleurettes, puis bondir sur elle, la renverser et la pousser du museau jusqu’à ce qu’elle soit debout pour repartir. Elle joue sans bruit, la bouche seulement ouverte pour des rires muets ; car si elle ignore la peur de rester seule dans sa maison isolée, elle craint les gamins qui rôdent dans les champs d’alentour et viennent lui jeter des pierres comme à un vilain animal. À cause d’eux, depuis longtemps déjà elle a pris l’habitude du silence. Il y a encore, derrière la maison, l’entrée du potager qui lui donne des soucis, malgré sa large et forte grille dont les barreaux se terminent en lances pointues comme des fuseaux. Cette entrée-là fait face à une haute et vaste sapinière dont on ne voit pas la fin. Cette grille, elle ne l’a jamais vue