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L’industrie s’est glissée dans les décombres de Bonpas ; elle a chargé de soie trois mille fuseaux, mis en mouvement par les doigts agiles de soixante jeunes filles exercées à ce genre de travail, au point que chacune d’elles pour sa part en fait tourner cinquante à la fois. Elles doublent, il est vrai, leur application par le silence. Rien pourtant ne leur serait plus facile que d’échanger quelques paroles, puisqu’elles sont placées les unes en face des autres sur deux longues lignes parallèles ; mais il entre dans la destinée de la Chartreuse, en changeant d’habitans, de rester toujours muette. Quelquefois cependant, à certaines heures du jour, un chant se mêle au bruit des fuseaux, non un chant d’allégresse ou de volupté, mais un de ces cantiques saints dont les églises retentissent quand on fête la Vierge s’élevant vers les cieux sur l’haleine des anges ; quand on célèbre le Christ laissant tomber, avec la dernière goutte de son sang, la semence d’un nouvel univers.