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— Vous avez mis hier dans notre entretien une grande réserve : j’apprécie cette délicatesse ; mais croyez que je ne me borne pas à exercer ce bel art, j’en fais volontiers l’objet habituel de mes conversations. Son ascendant agit sur moi quelquefois même à mon insu. Au théâtre, je le mets en action ; hors du théâtre, il occupe ma parole, et, quand je me tais, c’est pour le méditer. Mettez-vous là près de moi. Écoutez : les esprits même éclairés s’imaginent que dans mes études je me pose devant une glace, comme un modèle devant un peintre dans l’atelier. Selon eux, je gesticule, j’ébranle de mes cris le plafond de ma chambre. Le soir sur la scène je fais entendre des accens appris le matin, des inflexions préparées, des sanglots dont je sais le nombre. J’imite Crescentini qui dans Roméo montre un désespoir noté d’avance dans une partition cent fois chantée chez lui avec accompagnement de piano. C’est une erreur : la réflexion est une des plus grandes parties de mon travail ; ainsi que le poëte, je marche, je rêve, ou bien je m’assieds au bord de ma petite ri-