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LE PRINTEMPS

Et je me resouviens des célestes flambeaux,
Comme le lis vermeil de ma dame faict naistre
Un vermeillon pareil à l’aurore des Cieux.
 
Je voy mon lict qui tremble ainsi comme je fais,
Je voy trembler[1] mon ciel, le chaslit et la frange
Et les soupirs des vents passer en tremblottant ;
Mon esprit tremble ainsi et gemist soubs le fais
D’un amour plein de vent qui, muable, se change
Aux vouloirs d’un cerveau plus que l’air inconstant.

Puis quant je ne voy’ rien que mes yeux peussent voir,
Sans bastir là dessus les loix de mon martyre,
Je coulle dans le lict ma pensée et mes yeux ;
Ainsi puisque mon ame essaie à concevoir
Ma fin par tous moyens, j’attens et je désire
Mon corps en un tombeau, et mon esprit es Cieux.


III[2]

PRESSÉ de desespoir, mes yeux flambans, je dresse
A ma beauté cruelle et baisant par trois fois
Mon pongnard[3] nud, je l’offre aux mains de ma déesse,
Et laschant mes souspirs en ma tremblante voix,
Ces mots coupez je presse :

  1. Var. Ms. Monmerqué. Je fay trembler…
  2. Cf. Ms. Tronchin, viii, fol. 48. — Ms. Monmerqué, p. 165.
  3. Lire : poignard.