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était si endurci que ce terrible spectacle, loin de me faire rentrer en moi-même, me jeta dans un tel accès de rage que je mordais mes chiens pour les exciter, et que saisissant mon fusil je l’armai et tirai avec force la détente, sans réussir pourtant à faire partir le coup. Je faisais des efforts inutiles pour me lever, saisir un harpon et tomber sur les diablotins, lorsqu’un hurlement plus horrible que le premier me fixa à ma place. Les petits êtres disparurent, il se fit un grand silence, et j’entendis frapper deux coups à ma première porte : un troisième coup se fit entendre, et la porte, malgré mes précautions, s’ouvrit avec un fracas épouvantable. Une sueur froide coula sur tous mes membres, et pour la première fois, depuis dix ans, je priai, je suppliai Dieu d’avoir pitié de moi. Un second hurlement m’annonça que mon ennemi se préparait à franchir la seconde porte, et au troisième coup, elle s’ouvrit comme la première, et avec le même fracas. Ô mon Dieu ! mon Dieu ! m’écriai-je, sauvez-moi ! sauvez-moi ! Et la voix de Dieu grondait à mes oreilles, comme un tonnerre, et me répondait : non, malheureux, tu périras. Cependant un troisième hurlement se fit entendre et tout rentra dans le silence ; ce silence dura une dizaine de minutes. Mon cœur battait à coup redoublés ; il me semblait que ma tête s’ouvrait et que ma cervelle s’en échappait goutte à goutte ; mes membres se crispaient et lorsqu’au troisième coup, la porte vola, en éclats, sur mon plancher, je restai comme anéanti. L’être fantastique que j’a-