Page:Aubert de Gaspé - L'influence d'un livre, 1837.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51

pour l’étude,[1] C’est là que dans une de ses longues promenades, il avait aperçu Amélie, jeune fille de quinze ans, au sourire triste et pensif. Amélie était le type d’une belle créole, Ses longs cheveux noirs descendaient jusqu’à ses pieds ; des prunelles, couleur d’ébène, voilaient son œil brun et languissant et donnaient à son visage pâle une expression angélique. Sa taille pouvait rivaliser avec celle des plus belles femmes du midi… Ils s’étaient aimés en se voyant et, avaient senti toute la vérité de cette belle pensée d’un auteur moderne : « Nous étions nés l’un pour l’autre et, oublieux du tems qui fuit, nous nous élancions, gaîment, dans la vie, avec nos joies naïves et nos décevantes illusions. » Mais la volonté d’un père venait détruire ce rêve de bonheur ; Amélie était la fille d’Amand, et il avait juré qu’elle n’appartiendrait jamais à St. Céran. Peut-être que mon lecteur serait désireux de savoir d’où venait l’antipathie d’Amand. Notre héros avait fait tout son possible pour l’engager dans quelques mystères de son art et le jeune homme s’y était obstinément refusé ; ensuite il lui avait emprunté quelques livres qu’il avait entièrement gâtés : ce qui avait décidé ce dernier à lui fermer sa bibliothèque. Depuis ce tems, ils ne se parlaient plus et Amand avait défendu à sa fille de communiquer avec lui. C’est en partie ce qui

  1. Il avait néanmoins eu ses momens d’erreur.