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désigné ; il se remit aussitôt qu’il l’eut reconnu, et l’ayant salué, d’un ton bref, en lui disant — Bonsoir Amand ; ils poursuivirent leur route, en silence, sous les immenses érables qui bordent le sentier.

— Beaucoup de personnes marchent plus gaîment à la fortune que toi Dupont. Observa enfin Amand.

— C’est qu’ils y vont par d’autres voies, répondit brusquement celui-ci. Je suis à toi ; qu’as-tu à desirer de plus ?

— Je désirerais te voir plus gai.

— Il faut avouer que tout doit nous porter à la gaîté ; puisque dans une heure, tout au plus, nous serons dans la société du Diable.

— Ce n’est que pour un moment ; après tout, une nuit est bientôt passée.

Dupont demeura silencieux. Ils étaient arrivés au sommet de la montagne et ils commençaient à distinguer le lac qui, par cette nuit sombre, ressemblait à un immense voile noir. Ils descendirent rapidement le peu de chemin qui leur restait à faire et se trouvèrent enfin sur sa rive.

Amand tira aussitôt de sa poche une lame d’acier vierge qu’il avait préparée à cet effet et s’en servit pour couper une branche de coudre verd en forme de fourche qu’il trempa trois fois dans les eaux du lac en prononçant une formule cabalistique à voix basse.[1] Puis il la planta en

  1. Je dois avertir mon lecteur que cette formule de conjuration, ainsi que la manière de changer les métaux en argent, dont nous