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Femme admirable et sainte, héroïque victime
Qu’attendait à l’affût le sort le plus brutal,
Tu passas inconnue, et ce monde banal
Ignore encor les dons de ton esprit sublime.

Entre deux infinis ― le passé, l’avenir ―
Le globe qui nous porte avec indifférence,
Poursuit son cours sans trêve, et laisse l’Espérance
Amuser nos douleurs qu’elle prétend guérir.

Ô Terre, un jour la vie apparut dans tes ondes,
Sur tes verts continents, dans tes vallons fleuris :
Elle disparaîtra lorsque, sous un ciel gris,
La glace étouffera tes semences fécondes.

Alors, cadavre morne, inutile désert,
Compagnon d’un soleil aux flammes expirantes,
Tu rouleras sans but tes ruines errantes
Dans ce vide sans borne où notre esprit se perd.

Et tu te dissoudras, et tu seras réduite
Comme nous en poussière, et, comme nous, un jour
Au gouffre d’où tout sort, où tout se précipite,
Tes restes dispersés rentreront à leur tour.

Alors, qui sera là pour dire : « Il fut un monde
Où la beauté fleurit, où l’amour s’alluma ;
La Terre était son nom ; la vie était féconde
En elle ; mais la Mort plus forte la tua. »

Non, pas un souvenir, pas la plus mince trace
Ne restera de toi, Terre, éphémère abri.
Et l’homme ose rêver, en sa risible audace,
Que tout l’univers a les yeux fixés sur lui !

Alfred Mercier.