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SOLEIL COUCHANT.


Le soleil disparaît dans l’ombre du couchant,
Mélancolique adieu d’un jour de notre vie ;
Et ce jour qui s’éteint dans sa calme agonie,
N’est plus qu’une lueur au bord du noir néant.

Et la Terre qui flotte et vogue dans l’espace,
Laisse loin derrière elle et nos ans écoulés
Et nos ambitions, nos projets écroulés,
Dans un muet sillage où tout fuit et s’efface.

C’est l’heure où notre esprit évoque le passé,
Abîme sur lequel le souvenir surnage ;
Et je vois resplendir, comme dans un mirage,
Un essaim de beautés que rien n’a remplacé.

Je les vois dans ce bal, dont l’éclat magnifique
Éclipsait tous les bals renommés jusque-là ;
Ivres de leur printemps, d’amour et de musique,
Pour elles cette nuit bien vite s’envola.

Bientôt, elles aussi, loin de nous s’envolèrent
Dans les bras de la Mort, de l’envieuse Mort ;
De leurs admirateurs les uns les oublièrent,
D’autres en vieillissant pleuraient toujours leur sort.

Pour en garder la douce et triste souvenance,
Moi seul reste ici-bas. Quand mon dernier soleil,
S’éteignant dans la paix de l’éternel silence,
Aura fermé mes yeux pour leur dernier sommeil,

Qui parlera de vous, ô jeunes trépassées ?
Qui vous ranimera dans vos tombes glacées ?
Qui vous fera renaître à la clarté du jour,
Avec vos yeux remplis de pensée et d’amour ?

Ô Zulmé, qui peindra tes yeux d’orientale,
Ta danse harmonieuse et tes pieds andalous ?
Ismérie au front blanc, au beau port de vestale,
Quelle main dénouera tes cheveux fins et roux ?

Et toi, dont le nom est un secret qui s’impose,
Vivante poésie, âme aimante, cœur pur
D’où montait l’éloquence à des lèvres de rose,
Rayon d’or égaré dans un village obscur,