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partiellement taché, même si, ce qui arrivait souvent, quelque ouvrière des environs avait apporté de pleins paniers de fruits où chacun, tout le jour, puisait à volonté. Thérèse, qui l’avait pris sous sa protection, essayait de comprendre le pourquoi de tous ces gestes, elle le défendait âprement auprès de sa mère et de sa belle-sœur qui le trouvaient mal élevé.

André avait du goût pour les filles. Grand à douze ans comme on l’est généralement à quatorze, il était très occupé par l’idée de l’amour, et son esprit était souvent absorbé à résoudre les problèmes sexuels qui passionnent la plupart des adolescences. La première chose qu’il regardait dans une femme qui passait, c’était son ventre, pour s’assurer si elle était enceinte ou non. Les femmes enceintes, comme sa tante Madeleine par exemple, lui causaient une répugnance à laquelle il repensait volontiers, à la fois repoussé et attiré. L’idée que sa mère et son père couchaient ensemble le dégoûtait, et les mouvements d’humeur qu’il avait parfois quand sa mère l’embrassait, n’avaient pas d’autre origine. Il essaya de se documenter auprès de Jean, mais celui-ci s’avéra d’une ignorance ridicule, et s’il ne fut d’aucun secours à son ami, en revanche, il profita des leçons et fit rapidement son instruction, ce qui lui fit regarder la vie avec des yeux nouveaux.

Jean, lui, avait du goût pour les livres, et pendant qu’André s’esquivait en bicyclette pour aller voir passer une petite fille qu’il trouvait jolie, Jean lisait aussi avidement qu’il mangeait et s’il ne laissait pas perdre un fruit taché comme un enfant qui a toujours été privé, de même il n’y avait de bout de journal, même sale ou déchiré, qu’il ne lût avec avidité. Quand on ne savait pas où il était, Thérèse disait, sûre de son fait :

— Il est au cabinet, en train de lire, — et l’on pouvait être certain de l’en voir sortir avec un livre ou un journal.

Il ne perdait jamais une minute, lisant jusqu’au dernier moment avant de venir à table, et aurait lu pendant les repas si on l’avait laissé faire. Souvent, en promenade, quand toute la famille sortait, il se plaignait d’être fatigué, et toujours le dernier, suivait en lisant un petit bouquin emporté dans sa poche.