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elles se racontaient des légendes qui couraient en ville ; leurs regards brillants se posaient sur Portalis, un étranger, sur Tabou, sur Colon. Chez les compagnons de l’Andromède, c’était à qui frapperait le plus fort, le plus vite, avec le plus d’adresse. Quelquefois, l’un d’eux s’arrêtait pour remonter, d’un geste simple, son pantalon qui lui glissait le long des hanches. Et Porlalis lançait à pleine voix une grosse plaisanterie qui faisait rire tous les gars, grommeler leur vieux pépé, et s’éloigner sournoisement les jolies filles.

Assis sur la caisse à outils, au-dessus de la salle des machines, pépé Anton’ fumait sa cigarette. Il avait mangé la soupe avec Tabou, Colon et Portalis. Ce soir, au lieu de lui tenir compagnie, les gars avaient filé, probablement chez Estelle. La belle saison leur montait à la tête. À tous ! Là-bas, au café La Marine, on s’agitait, on chantait. Et, comme le ciel criblé d’étoiles, la joie des hommes annonçait les soirs chauds d’été.

Teuf teuf… Teuf teuf.

Les Deux Marie passèrent près de l’Andromède. Pépé Anton’ se pencha et salua l’équipe. Garcia partait bougrement tard ; c’était une nuit sans lune, il ramènerait quand même du poisson. Pépé Anton’ serra les bras sur sa poitrine, comme s’il s’agissait des deux extrémités d’un filet. Il rêvait de cette pêche à la lumière miraculeuse, lorsqu’on jette à pleine épuisette dans la barque les poissons frétillants et que l’odeur profonde de la mer vous enveloppe. Voilà un genre de pêche qu’il admettait ; mais pas celle des chalutiers qui bêtement raflent tout. Il se souvient que Portalis lui avait raconté qu’un temps viendrait où les pêcheurs comme ceux de Ferreal disparaîtraient, comme disparaissent déjà ces équipages composés de rudes gars qui vont loin dans l’Atlantique pêcher le hareng et la sardine ; et Portalis ajoutait qu’ils devraient tous travailler