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le livre


Paſiphaé




Ainsi, Paſiphaé, la fille du Soleil,
Cachant dans ſa poitrine une fureur ſecrète,
Pourſuivait à grands cris parmi les monts de Crète
Un taureau monſtrueux au poil roux & vermeil.

Puis, ſur un roc géant au Caucaſe pareil,
Laſſe de le chercher de retraite en retraite,
Le trouvait endormi ſur quelque noire crête,
Et, les ſeins palpitants, contemplait ſon fommeil ;

Ainſi notre âme en feu, qui ſous le déſir ſaigne,
Dans ſon vol haletant de vertige, dédaigne
Les abris verdoyants, les fleuves de criſtal,

Et, fuyant du vrai beau la ſource ſavoureuſe,
Pourſuit dans les déſerts du ſauvage Idéal
Quelque monſtre effrayant dont elle eſt amoureuſe.


Théodore de Banville.