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le livre


La Nuit




À cette heure où les cœurs, d’amour raſſaſiés,
Flottent dans le ſommeil comme de blanches voiles.
Entends-tu ſur les bords de ce lac plein d’étoiles
Chanter les roſſignols aux ſuaves goſiers ?

Sans doute, ſoulevant les flots extaſiés
De tes cheveux touffus & de tes derniers voiles,
Les couſſins attiédis, les draps aux fines toiles
Baiſent ton ſein, fleuri comme un bois de roſiers ?

Vois-tu, du fond de l’ombre où pleurent tes penſées,
Fuir les fantômes blancs des pâles délaiſſées,
Moins pâles de la mort que de leur déſeſpoir ?

Ou, peut-être, énervée, amoureuſe & farouche,
Pieds nus ſur le tapis, tu cours à ton miroir,
Et des ruiſſeaux de pleurs coulent juſqu’à ta bouche.


Théodore de Banville.