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III

LE THÉÂTRE ALCHIMIQUE

Il y a entre le principe du théâtre et celui de l’alchimie une mystérieuse identité d’essence. C’est que le théâtre comme l’alchimie est, quand on le considère dans son principe et souterrainement, attaché à un certain nombre de bases, qui sont les mêmes pour tous les arts, et qui visent dans le domaine spirituel et imaginaire à une efficacité analogue à celle qui, dans le domaine physique, permet de faire réellement de l’or. Mais il y a encore entre le théâtre et l’alchimie une ressemblance plus haute, et qui mène métaphysiquement beaucoup plus loin. C’est que l’alchimie comme le théâtre sont des arts pour ainsi dire virtuels, et qui ne portent pas plus leur fin que leur réalité en eux-mêmes.

Là où l’alchimie, par ses symboles, est comme le Double spirituel d’une opération qui n’a d’efficacité que sur le plan de la matière réelle, le théâtre aussi doit être considéré comme le Double non pas de cette réalité quotidienne et directe dont il s’est peu à peu réduit à n’être que l’inerte copie, aussi vaine qu’édulcorée, mais d’une autre réalité dangereuse et typique, où les Principes, comme les dauphins, quand ils ont montré leur tête s’empressent de rentrer dans l’obscurité des eaux.