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N’oublions pas que, dans chacun de nous, il y a deux hommes, — dont l’un, homme d’hier, résume de longues générations qui lui ont légué avec son sang mille prédispositions, ont donné à son cerveau mille tournures d’esprit, contre lesquelles il doit lutter avec une énergie incessante, s’il ne veut voir la portion originale de ses propres conceptions submergée, annihilée par la portion qu’il a héritée de ses ancêtres, de sa race, du milieu où il a dû se développer.

A l’heure présente, chacun de nous a le double visage de Janus, — l’un qui regarde le passé, l’autre qui regarde l’avenir, — et souvent il arrive qu’en regardant l’avenir, nous continuons de marcher vers le passé, sans nous apercevoir de l’erreur, méconnaissant dans nos actes, de bonne foi, l’idéal que nous entrevoyons et auquel nous croyons toucher.

Cependant, au milieu de ces tiraillements inévitables, la Commune, en somme, a proclamé et mis en pratique quelques-uns des grands principes qui peuvent seuls sauver les peuples modernes, et nous arracher définitivement à l’ornière du passé.

Ainsi que je l’ai dit, la Commune aima le peuple avec conviction. C’est même la seule assemblée au monde peut-être, où, jamais, chez aucun de ses membres, il ne se soit élevé un sentiment de défiance et de crainte envers le peuple, où il ne vint jamais à l’esprit d’aucun de le repousser, de le surveiller, de l’entraver, où toute proposition, par cela seul qu’elle se présentait comme bien vue par le peuple, dans ses désirs, dans sa volonté, était écoutée avec recueillement, adoptée avec faveur, où l’on s’informait sans cesse de ce qu’il disait, de ce qu’il