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portée dont on ne s’était pas servi contre les Prussiens, apportait la mort au sein même de Paris.

On eut dit un épouvantable ouragan s’abattant sur un coin de la ville, une de ces trombes qui passent parfois sur la campagne, après les grandes chaleurs de l’été, semant la ruine et la désolation sur leur parcours. C’était bien un ouragan, en effet, ouragan de fer et de pétrole, trombe homicide déchaînée par les représentants du passé implacable contre l’avenir rejeté sous la pierre qu’il avait soulevée.

Ce soir là, à toutes ces lueurs, à tous ces glas, se joignait la lumière sombre d’un vaste feu, dans le haut du faubourg Honoré, où flambait une maison trouée par des projectiles incendiaire.

Je baissai les yeux, et je regardai à mes pieds. Trois bataillons fédérés défilaient devant la maison, et c’étaient eux dont le bruit m’avait arraché à mon demi-repos. — Sauf ces hommes, personne dans la rue déserte. — Ils marchaient vers les Champs-Elysées, se rendant sans doute à la porte de Neuilly, et voyaient se dresser devant eux, dans toute son horrible splendeur, la fournaise où ils allaient s’engouffrer. Ils pouvaient d’avance lire leur sort écrit en lettres de feu gigantesques sur le ciel sanglant. Nul n’était là pour les encourager du regard. Aucune foule ne les accompagnait, et ne pouvait exciter en eux ce sentiment d’amour-propre qui réveille et talonne les courages. Ils allaient au Devoir, seuls, ayant pour unique compagnon, pour unique fortifiant, dans cette nuit pleine de menaces sombres et de terreurs éclatantes, — le Devoir !

Je les regardai. — Le sac au dos, la capote serrée à la ceinture, le fusil sur l’épaule, ils mar-