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pendant deux mois, sans marchander ni la fatigue, ni le temps, restèrent là, sur la brèche, passant toutes les journées à la mairie, y passant les nuits à tour de rôle. C’étaient ou de simples ouvriers, ou de petits commerçants que rien n’avait préparé, la plupart, à ce métier d’administrateur absolument nouveau pour eux. Ils s’y mirent avec une résolution et un zèle admirables, une honnêteté hors ligne, n’ignorant pas, eux aussi, qu’en jetant leurs noms en avant, comme ils le faisaient, c’était leur arrêt de mort qu’ils signaient avec nous.

Pour ce travail de chaque seconde, nous leur avions offert cinq francs par jour, et ils avaient accepté sans observation. Ils eussent accepté moins. Ils ne demandaient que le pain de leur famille.

Plusieurs d’entre eux, pourtant, comme je l’ai dit, étaient des commerçants et, en continuant leur négoce, ils auraient pu gagner bien davantage.

Ceux mêmes qui étaient de simples ouvriers avaient certes l’habitude d’un salaire plus élevé, car ils comptaient parmi les plus habiles dans leur état. Qu’importe ? Qui songeait à l’argent ? Il ne fallait pas grever les finances de la Commune. Il fallait avant tout assurer le service de la Garde Nationale et des nécessiteux en nombre considérable. S’ils avaient eu de l’argent, loin d’en demander, ils en auraient plutôt donné.[1]

Un dernier détail, avant de me séparer d’eux.

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, l’un d’eux, Dubacq, est mort en exil, à Londres, tout jeune encore. Nous ne nous étions plus quittés depuis le 4 septembre, où je le rencontrai pour la première fois, à la mairie du 4e arrondissement. C’est un bon serviteur de moins pour la Révolution, et pour moi c’est un ami perdu !