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vous, qui, par conséquent pense et agit autrement que vous ne pensez, que vous n’agiriez, qui, avec la meilleure intention du monde, ne peut connaître vos intérêts, sentir vos besoins, comme vous les connaissez, comme vous les sentez, y satisfaire comme vous y satisferiez vous-mêmes.

Et comprenez bien ceci, — classes déshéritées, ouvriers, hommes de bonne volonté de tous les rangs qui portez en vous l’idéal de la justice, l’amour du vrai, — si, au lieu des drôles, des farceurs et des ambitieux qui, en très grande majorité, surprennent leur nomination à votre ignorance, si, au lieu de cette tourbe de repus, d’intrigants ou d’imbéciles, vos ennemis par intérêt de caste ou par simple stupidité, vous nommiez seulement des ouvriers, des hommes absolument purs et dévoués, — à moins que ces hommes n’emploient immédiatement leur court passage au Pouvoir, à supprimer l’Etat tel qu’il existe, ces hommes deviendraient demain vos ennemis, qu’ils le voulussent ou non, et vous n’auriez rien gagné au change.

S’ils gardaient le Pouvoir, ils deviendraient, en effet, le Pouvoir lui-même. L’Etat s’incarnerait en eux, et, en admettant qu’ils fussent une collection d’hommes de génie honnêtes, en admettant que leurs vertus privées adoucissent le poids de la chaîne, vous n’en seriez pas moins enchaînés. Leurs successeurs, le premier aventurier venu, vous le feraient rudement sentir. Les droits d’un peuple ne peuvent ni ne doivent dépendre des vertus des dépositaires du Pouvoir.

En politique, la vertu, comme le devoir, comme la fraternité, comme tout ce sentimentalisme mystique avec lequel on berce les révolutionnaires enfants, n’est qu’un mot et ne compte pas.