Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas justice à vous-mêmes, comptez que la Commune ne permettra pas qu’on vous assassine sans punir les assassins. Mais il faut que cet homme soit jugé. Ni moi, ni mes collègues, nous ne donnerons ainsi cet ordre de mort !

Le jeune fédéré répondait aussi avec sa logique impitoyable.

Delescluze lui prit les mains, l’appela mon enfant, et s’animant, ému à son tour par cette passion, cette douleur, ce mélange d’héroïsme et d’exaltation, je vis des larmes remplir les yeux du vieillard refusant à l’adolescent la mort de ce Versaillais qui les eût fusillés tous les deux, plein de joie, avec une forfanterie de caserne, s’il les avait tenus en son pouvoir.

Enfin, Delescluze, appuyé par Félix Pyat, si je ne me trompe, l’emporta. — Les gardes nationaux retournèrent au combat, et l’officier ne fut pas fusillé.

Cette scène m’a laissé une impression ineffaçable, et j’ai tenu à la rapporter parce qu’elle achève le portrait moral de Delescluze, cet homme antique, ce vétéran des luttes révolutionnaires que personne n’oserait taxer de faiblesse, de sentimentalité ou de modérantisme, et que, rapprochée de la fermeté de sa mort stoïque, elle peint tout entier le type de l’un de ces Communards pour lesquels tous les supplices paraissaient trop doux aux yeux de la réaction.

Malgré des discours imprudents et des phrases d’un caractère tout différent échappées à l’improvisation de quelques orateurs, comme je l’ai dit, la Commune en masse avait horreur du sang versé et exécrait la peine de mort.

Le délégué à la guerre avait réclamé l’organisation de conseils de guerre dans la garde natio-