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C’était en juillet 1628. Malherbe âgé de 73 ans venait de nouveau implorer le roi contre les meurtriers de son fils. Il était si excité qu’il demandait dans la cour même du quartier royal à se battre en duel, et Racan, qui commandait comme enseigne la compagnie des gens d’armes du marquis d’Effiat, dut le prévenir qu’il se rendait ridicule (Mém. Lxviii). Il en voulait à toute la race juive, dont il soupçonnait les meurtriers de faire partie, et il venait de composer contre eux un sonnet antisémite (Malh. t. I, 276). — « Le bonhomme, dit Tallemant, gagna à ce voyage le mal dont il mourut à son retour à Paris », le 16 octobre. —

La présente anecdote rouvre la question très délicate de la religion de Malherbe. Depuis que nous avons publié ce nouveau trait dans la Revue bleue du 3 décembre 1892, p. 730, col. 2, des protestants, nous le savons, sont tentés de l’invoquer pour se confirmer dans leur opinion que le poète, sorti d’une famille protestante, était protestant au fond du cœur. Voir à cet égard les articles intéressants du Bulletin de la Société de l’Histoire du protestantisme, entre autres 1860, t 9, p. 258 ; 1862, t. 11, p. 239 ; 1873, t. 22, p. 93 ; 1891, t. 40, p. 387, article de M. N. Weiss.

Sans vouloir discuter la question, nous ferons remarquer simplement que la portée de cette boutade est fort atténuée d’abord par l’état de chagrin et d’aigreur où se trouvait alors le poète, et surtout par le penchant qu’il eut toujours à la contradiction : parlant ici à Racan et à des catholiques, il raille les catholiques, tout comme il raille les protestants lorsqu’il s’adresse à son amie protestante madame des Loges (l’incident du livre du pasteur Dumoulin, Racan, t. I, 221), et en combien d’autres occasions dans sa correspondance intime !

Nous demeurons dans l’opinion que Malherbe était nettement, mais peu profondément catholique, et qu’il eût peut-être compté de nosjours parmi les indifférents.

Nous ne voyons d’ailleurs la thèse des protestants soute-