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rapporte que le P. Grellon, après avoir travaillé quelque temps dans les miffons de la Nouvelle-France, paffa à celles de la Chine, & de-là en Tartarie, où il rencontra une femme- Huronne qu'il avoit connue en Canada. Elle avoit été priſe en guerre & conduite d'une nation à l'autre jufqu'en Tartarie. Un autre Jéſuite, de retour de la Chine, raconte auffi qu'une femme Eſpagnole de la Floride, qui avoit eu le même mal- heur, après avoir traverfé des régions très-froides, s'étoit enfin rencontrée en Tartarie.

Quelque extraordinaires que puiffent être ces relations, il n'eft cependant pas impoffible de les concilier avec la Géographie.. Ces femmes parvenues au bord de la mer qui lave les côtes occidentales de l'Amérique, ont d'abord paffé avec des canots dans l'ifle qui ſe trouve dans le détroit, d'où elles ont abordé au continent d'Afie; & prenant enfuite la route du Ta-han, que j'ai indiquée, elles ſe font approchées de la Chine.

II y a lieu de croire que cette voie eſt une de celles par lefquelles l'Amérique s'eft peuplée; mais elle n'a probablement pas été la ſeule du côté du nord. Ceux d'entre les écrivains: qui ont recherché l'origine des Américains, ont fait à ce ſujet quelques conjectures qui ne font pas deftituées de fondement.. À l'embouchûre de la rivière Kowima en Sibérie, on trouve une ifle très-peuplée, & fouvent fréquentée par ceux qui vont. à la chaffe des mamuts, dont les dents plus belles que celles de l'éléphant, fervent à faire différens inftrumens. Ils s'y rendent avec toute leur famille en paffant fur les glaces, & il arrive fouvent que, furpris par un dégel, ils font emportés fur de grands morceaux de glace vers la pointe de l'Amérique, qui n'en eft pas fort éloignée. Ce qui ſemble donner plus de poids à cette conjecture, c'eft que les Américains qui habitent cette contrée ont la même phyfionomie que ces malheureux. infulaires, qu'une trop grande avidité pour le gain expoſe à être ainfi tranſportés dans un pays étranger. On ne peut douter que ces glaces flottantes n'aient porté des hommes, & plus fouvent encore des animaux, dans les contrées voiſines. On voit arriver, fur les côtes d'Iflande, de grands glaçons détachés