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LIVRE I, CH. V, § 2.

mille fois plus grande. Par exemple, on croit ne rien faire[1] de grave en admettant une quantité qui soit la plus petite possible[2] ; mais avec cet infiniment petit qu’on introduit, il y a de quoi bouleverser de fond en comble les principes les plus essentiels des mathématiques[3]. La cause de ceci, c’est que le principe est beaucoup plus fort qu’il n’est grand ; et voilà comment une chose qui est très-petite dans le principe devient à la fin démesurément grande. Or l’infini a la puissance d’un principe[4], et il est la plus grande puissance possible de la quantité.

§ 2. Par suite, il n’y a rien d’absurde ni d’irrationnel à signaler la prodigieuse importance de cette hypothèse[5] qui soutient qu’il existe un corps infini. C’est là ce qui nous fait un devoir d’en parler en reprenant la question le plus haut que nous pourrons.

Il est d’abord bien clair qu’il faut nécessairement que tout corps soit simple ou composé. Par conséquent, l’infini lui-même devra être ou simple ou composé. Mais il n’est pas moins évident que les corps simples étant finis[6], il

  1. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  2. Simplicius pense avec raison qu’il s’agit ici des atomes de Démocrite.
  3. Et par exemple, qu’une ligne est toujours divisible en deux parties. Avec la théorie des atomes de Démocrite, on arrive aux lignes insécables, puisqu’elles n’ont plus aucune longueur ; ce qui est contradictoire.
  4. On peut voir dans la Physique, livre III, ch. 4, § 2, t. II, p. 88 de ma traduction, le rôle considérable que plusieurs philosophes ont donné à l’infini, dans le système du monde.
  5. Le texte n’est pas aussi précis ; mais il est clair qu’Aristote traite comme une hypothèse sans solidité la théorie qu’il a énergiquement combattue dans la Physique, loc. laud.
  6. C’est une discussion spéciale qu’on peut voir dans la Météorologie, livre I, ch. 3,