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XVI
PRÉFACE

certainement beaucoup profité ; et il est équitable de signaler les emprunts qu’il a pu lui faire. Platon a donné à la réminiscence une telle importance, qu’on pourrait soutenir qu’il lui a presque entièrement sacrifié la mémoire, et que de ces deux états si voisins et pourtant si distincts de l’esprit, il n’a guère étudié que l’un aux dépens de l’autre. La science n’est que réminiscence ; apprendre c’est se ressouvenir : tel est le principe qu’il essaye de démontrer dans le Ménon, et qu’il admet à l’état d’axiome dans le Phédon, dans le Phèdre, et dans d’autres dialogues. Or, la science ne s’acquiert pas sans effort : il faut vouloir pour apprendre ; et c’est précisément cette volonté constante et féconde qui constitue le philosophe. Le vulgaire des hommes, en apercevant dans cette vie, par le ministère des sens, les objets que ce monde lui offre, croit les connaître pour la première fois, bien qu’au fond il ne fasse que se souvenir d’objets tout autres dont ceux-là sont de pâles reflets. Mais le philosophe ne partage pas cette grossière illusion. Il sait qu’ici-bas il n’aperçoit que des ombres ; et toute son étude réfléchie, volontaire, énergique, c’est de remonter, à l’aide de ces signes imparfaits, jusqu’aux réelles et splendides es-