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sence des amis paraît une chose précieuse et désirable.

XII. Mais de même que ce qui charme le plus dans l’amour, c’est de contempler la personne qu’on aime, et comme il n’y a aucune sensation qu’on préfère a celle-là, (puisque c’est celle qui donne naissance à cette passion et qui l’entretient,) en est-il ainsi de l’amitié ? Vivre avec ses amis est-il, en effet, ce qu’il y a de plus désirable, puisque l’amitié est un commercé assidu, et qu’on a ordinairement pour un ami les mêmes sentiments qu’on a pour soi-même ? Or, ce qu’on aime en soi, c’est le sentiment de l’existence, et, par conséquent, c’est aussi ce qu’on aime dans son ami ; mais l’activité de ce sentiment s’exerce principalement dans un commerce assidu ; c’est donc avec fondement que les amis s’y portent avec empressement. Et ce qui constitue principalement l’existence pour chacun d’eux, ce qui leur fait aimer la vie, est précisément ce qu’ils se plaisent à faire avec leurs amis. Voilà pourquoi les uns passent leurs jours à boire ensemble, ou à jouer aux dés ; d’autres, à s’exercer dans les gymnases ; d’autres, à la chasse, ou à traiter ensemble des questions de philosophie ; tous consacrant leurs jours à s’occuper en commun des choses qu’ils regardent comme les plus grands plaisirs de la vie. Car, voulant-vivre sans cesse avec leurs amis, ils s’associent à eux pour faire ce qui leur semble pouvoir entretenir ce commerce continuel, objet de leurs désirs.

Ainsi donc l’amitié entre gens vicieux où mé-