Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’habileté n’est donc pas toujours l’effet de la science et d’une mûre réflexion ; elle peut être quelquefois aussi peu réfléchie qu’elle le serait dans un homme ivre ou endormi[1]. Elle est pourtant volontaire ; car, en pareil cas, on sait ce qu’on fait, et pourquoi. Elle n’est pas non plus un vice ; car le motif n’est pas blâmable : de sorte que l’homme habile, mais intempérant, est, pour ainsi dire, à moitié vicieux, et n’est pas injuste, car il ne veut ni tromper, ni surprendre[2]. En effet, parmi les hommes de ce caractère, les uns sont incapables de persister dans les résolutions qu’ils ont prises ; et les autres sont des mélancoliques, incapables de prendre aucune résolution. En un mot, l’intempérant ressemble, à quelques égards, à une cité où l’on décrète tout ce qui est convenable et utile, qui a de bonnes lois, mais qui n’en observe aucune, comme le remarque plaisamment Anaxandride[3] : « Telle est la réso-

  1. Voyez ci-dessus, chap. 3 de ce livre.
  2. Les commentateurs ont cru apercevoir ici quelque contradiction : mais il paraît assez que notre auteur veut dire qu’un homme de talent, ou habile, peut manquer de fermeté (car c’est ce que signifie ici le mot intempérant), comme il le dit expressément (M M. l. 2, c 6), et comme l’a entendu l’auteur de la paraphrase.
  3. De Rhodes, poète comique. Le vers que cite Aristote était peut-être tiré de sa comédie intitulée Les Cités (ou les Républiques). « Lorsque ses pièces n’avaient pas remporté le prix, dit Athénée (p. 299 et 374), au lieu de les retoucher, il les donnait [aux marchands de parfums] pour les déchirer, et s’en servir à envelopper l’encens. C’est ainsi que,