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de toutes leurs forces. Mais du moins les moyens qui les conduisent à leur but spécial sont limités, et ce but lui-même leur sert à tous de borne ; bien loin de là, l’acquisition commerciale n’a pas même pour fin le but qu’elle poursuit, puisque son but est précisément une opulence et un enrichissement indéfinis.

§ 18. Mais si l’art de cette richesse n’a pas de bornes, la science domestique en a, parce que son objet est tout différent. Ainsi, l’on pourrait fort bien croire à première vue que toute richesse sans exception a nécessairement des limites. Mais les faits sont là pour nous prouver le contraire ; tous les négociants voient s’accroître leur argent sans aucun terme.

Ces deux espèces si différentes d’acquisition, employant le même fonds qu’elles recherchent toutes deux également, quoique dans des vues bien diverses, l’une ayant un tout autre but que l’accroissement indéfini de l’argent, qui est l’unique objet de l’autre, cette ressemblance a fait croire à bien des gens que la science domestique avait aussi la même portée ; et ils se persuadent fermement qu’il faut à tout prix conserver ou augmenter à l’infini la somme d’argent qu’on possède.

§ 19. Pour en venir là, il faut être préoccupé uniquement du soin de vivre, sans songer à vivre comme on le doit. Le désir de la vie n’ayant pas de bornes, on est directement porté à désirer, pour le satisfaire, des moyens qui n’en ont pas davantage. Ceux-là mêmes qui s’attachent à vivre sagement recherchent aussi des jouissances corporelles ; et comme la propriété semble encore assurer ces jouissances, tous les soins des hommes se portent à amasser du bien ; de là, naît cette seconde branche d’acquisition dont je