Page:Aristote - La Politique.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne doit-on lui demander que ce plaisir banal qu’elle excite chez tous les hommes ? car on ne peut nier qu’elle ne provoque un plaisir tout physique, qui charme sans distinction tous les âges, tous les caractères. Ou bien ne doit-on pas rechercher encore si elle peut exercer quelque influence sur les cœurs, sur les âmes ? Il suffirait, pour en démontrer la puissance morale, de prouver qu’elle peut modifier nos sentiments.

§ 5. Or certainement elle les modifie. Qu’on voie l’impression produite sur les auditeurs par les œuvres de tant de musiciens, surtout par celles d’Olympus. Qui nierait qu’elles enthousiasment les âmes ? Et qu’est-ce que l’enthousiasme, si ce n’est une émotion toute morale ? Il suffit même, pour renouveler les vives impressions que cette musique nous donne, de l’entendre répéter sans l’accompagnement ou sans les paroles.

§ 6. La musique est donc une véritable jouissance ; et comme la vertu consiste précisément à savoir jouir, aimer, haïr comme le veut la raison, il s’ensuit que rien ne mérite mieux notre étude et nos soins que l’habitude de juger sainement des choses, et de placer notre plaisir dans des sensations honnêtes et des actions vertueuses ; or rien n’est plus puissant que le rythme et les chants de la musique, pour imiter aussi réellement que possible la colère, la bonté, le courage, la sagesse même et tous ces sentiments de l’âme, et aussi bien tous les sentiments opposés à ceux-là. Les faits suffisent à démontrer combien le seul récit de choses de ce genre peut changer les dispositions de l’âme ; et lorsqu’en face de simples imitations, on se