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en outre sur la nature de la justice, sur les êtres auxquels elle s’applique, et l’on convient que l’égalité doit régner nécessairement entre égaux ; reste à fixer à quoi s’applique l’égalité et à quoi s’applique l’inégalité ; questions difficiles qui constituent la philosophie politique.

§ 2. On soutiendra peut-être que le pouvoir politique doit se répartir inégalement, en raison de la prééminence en un mérite quelconque, tous les autres points restant d’ailleurs parfaitement pareils, et les citoyens étant d’ailleurs parfaitement semblables ; et que les droits et la considération doivent être différents, quand les individus diffèrent. Mais si ce principe est vrai, même la fraîcheur du teint, ou la grandeur de la taille, ou tel autre avantage, quel qu’il soit, pourra donc donner droit à une supériorité de pouvoir politique. L’erreur n’est-elle pas ici manifeste ? Quelques réflexions tirées des autres sciences et des autres arts le prouveront assez. Si l’on distribue des flûtes à des artistes égaux entre eux en tant qu’occupés du même art, on ne donnera pas les meilleurs instruments aux individus les plus nobles, puisque leur noblesse ne les rend pas plus habiles à jouer de la flûte ; mais on devra remettre l’instrument le plus parfait à l’artiste qui saura le plus parfaitement s’en servir.

§ 3. Si le raisonnement n’est pas encore assez clair, qu’on le pousse un peu plus loin. Qu’un homme très distingué dans l’art de la flûte le soit beaucoup moins par la naissance et la beauté, avantages qui, pris chacun à part, sont, si l’on veut, très préférables à un talent d’artiste, et qu’aces