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LA RETRAITE.

monde s’éteindrait rapidement, et cette vie claustrale non sanctionnée par un ordre lui semblait un crime, sa pureté presque immorale.

Cette chasteté, au reste, il ne l’avait pas acquise sans lutte, la chasteté de l’esprit et du désir sans doute, car celle du corps s’obtient encore assez promptement dans une vie privée de toute tentation extérieure.

Le tempérament de sa mère qui s’était dans son enfance manifesté par des soifs de caresses et des faims d’amour reparaissait quelquefois en lui, et cet atavisme inévitable n’allait pas sans d’intolérables souffrances. Tout, dans sa retraite, alors, devenait excitation à des sens courageusement contraints, mais déséquilibrés par un ascétisme trop au-dessus de la nature. Des hallucinations quelquefois le troublaient, et il lui semblait autour de lui dans le parc, dans la chapelle, voir des formes se dessiner, visions d’autant plus obscènes à des yeux si purs.

Parfois même, à l’empyrée de ses réflexions les plus saintes, un mot le précipitait dans la terrestre réalité, un mot, comme un enfant vicieux qui cherche des excitations malsaines où il devrait trouver de fortifiantes exhortations.

Il lisait, un jour, le livre de Ruth : il admirait cette grande amitié de Noémi pour sa fille,