Page:Argis - Sodome, 1888.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
SODOME.

Le matin, à cinq heures, Jacques, réveillé par le jour entrant dans sa chambre aux contrevents jamais clos, se levait. Depuis une heure déjà, le vieux mineur, qu’il avait gardé sympathique par son mutisme, était debout ; il lui versait un seau d’eau froide sur le corps, et, après cette bienfaisante et sommaire toilette, Jacques descendait à la chapelle. Là, sans tous les moyens matériels des églises, sans encens et sans cierges, avec son seul esprit, il priait, ou s’abîmait dans les réflexions les plus consolantes souvent, quelquefois les plus tristes. Oh ! ce n’est pas que le doute effleurât jamais de son aile noire une âme si sublimement convaincue : il croyait fermement et catholiquement. Mais, parfois, des hésitations l’empoignaient et lui donnaient comme un vertige. Que faisait-il à Noirchain ? Cette retraite, cette abstraction du monde lui était-elle permise et n’était-ce pas d’un orgueil immense que de vivre ainsi seul, ne pensant qu’à son unique bonheur, sans faire autour de soi du bien ? Ne devait-il pas se répandre au dehors, comme le prédicateur ou le missionnaire, pour verser un peu dans le cœur des incrédules ou des tièdes, des paroles de foi et de consolation ? Involontairement aussi lui venait cette pensée bien plate, mais s’imposant, que si tous suivaient son exemple, le