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SODOME.

si doux sentait une haine atroce pour tous ces gens qu’il avait vus ce soir, une haine atroce, et, pourtant, si doux, une grande pitié. Il avait bien arrangé sa vie : il « ferait sa licence en droit » pour sa mère, il ferait sa licence en droit sans enthousiasme, sans beaucoup de peine ; et puis, parallèlement, il vivrait… Il trouverait un ami ; il avait besoin d’un ami ; tous deux, pour eux, ils vivraient dans l’art et dans le beau. Il avait tant de choses à faire, et si belles : la musique d’abord : sa mère, prévenante, riche du reste, lui avait acheté un orgue et un piano ; il se promettait d’étudier la musique religieuse, puis tous les classiques : Bach, dont il jouait maintenant les fugues, Schumann et Beethoven. Il jouerait tout cela, à quatre mains, avec son ami. En même temps, dans un bon cabinet de travail, entouré de bibelots dont son père lui avait laissé le goût, au milieu d’une atmosphère de livres empilés et toujours dérangés, il chercherait ; il chercherait le critérium, le Grand Critérium de croyances jusque-là trop de nerfs ; il épuiserait toutes les œuvres des philosophes vaguement aperçus dans des manuels arides et surtout convenus. Il avait ouvert la Bible : il lui semblait que derrière des symboles étaient célées des révélations. Mais quand la comprendrait-il ? la comprendrait-il jamais ?…