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L’ENFANCE.

Un soir de ce second printemps qu’il passait à Juilly, vers sept heures, il quitta l’abbé Gratien et sortit de la chapelle du parc assez loin des salles d’étude. Comme il descendait par une petite sente, il rencontra Giraud, le grand qui avait dit devant lui des choses troublantes, dans la sacristie.

Giraud le regarda, sembla hésiter un instant puis se raviser, et lui tendit la main : « Que fais-tu donc ici ? — Je viens de quitter l’abbé Gratien, je cours au réfectoire, je suis en retard. — Attends un peu, tu as le temps. » Et, ce disant, Giraud, long jeune homme efflanqué, à la mine couleur de chlore, au front pustuleux, se rapprochait de lui, et, soudain, il l’embrassa, avec des frôlements des mains. Soran, sans comprendre, repoussa Giraud, d’instinct, et ces caresses le secouèrent. « Passes-tu souvent ici, à cette heure ? fit Giraud — À peu près tous les soirs. — Veux-tu que je vienne quelquefois causer avec toi, en sortant de ma leçon de piano ? Je te raconterai des choses épatantes ; les jours de congé ma mère me laisse sortir seul ; tu verras… Et puis, j’ai été au bordel. » Soran ouvrit de grands yeux en oyant ce vocable sonore, inconnu tout à fait. Il soupçonnait vaguement que Giraud n’eût pas dit ce mot devant un Père. — « Qu’est-ce que c’est