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SODOME.

autour de lui une odeur de malheur renfermé.

De vagues ressouvenirs devaient le hanter plus tard. Son père si calme avait quelquefois des impatiences pour sa mère comme s’il lui reprochait d’être là, et celle-ci pleurait et se résignait.

Il y eut un jour une scène, une seule, qui laissa dans sa mémoire une impression effrayante. C’était le soir, Jacques s’endormait dans son lit ; il entendit du bruit : il traversa pieds nus la chambre de son père et, comme une ventouse, appliqua son oreille à la porte de la salle à manger. Ah ! ce n’était plus là le silence dédaigneux ou désabusé, c’étaient des sarcasmes sur les lèvres de son père. Il ne comprenait pas tout, mais, grelottant à la porte il sentait que ces choses étaient dures : il eût voulu ne pas entendre, et il ne pouvait s’en aller. Une phrase le frappa comme une massue : « Vous ne savez seulement pas écrire pour commencer l’éducation de votre fils ! » Un gémissement répondit, puis un choc mat, et Jacques entra et couvrit sa mère de baisers : Oh ! maman !……

Elle gisait sur le parquet, les poings fermés, les bras étendus et les jambes raides, crucifiée. Et Jacques eut un regard de reproche pour son père.