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L’ENFANCE.

les fibres musculaires se lissent et s’assouplissent et le corps, tout à l’heure embrasé, recouvre une fraîcheur jeune. Alors, le bien-être est complet  : le bain turc a produit son effet bienfaisant : la fatigue et l’énervement a disparu ; l’esprit lui-même est comme retrempé.

Pour la première fois, peut-être, depuis plusieurs années, Soran était presque heureux : il traversa la salle chaude pour se rendre à sa cabine, accompagné du masseur obséquieux.

Tout à coup, il s’arrête : le baigneur étonné le regarde : ses yeux se sont fermés convulsivement : il a pâli, ses jambes flageolent ; au milieu de cette chaleur, un froid de mort glisse dans ses veines, et il tombe sur une chaise. Il renvoie le garçon et reste là, assis, parmi les gens nombreux maintenant qui n’ont pas remarqué son trouble.

Les impressions physiques avaient sur cette âme sensitive une influence si grande, qu’à peine chassé de son lit par le cauchemar il renaissait à l’espérance parce que ses poumons se dilataient et que ses muscles étaient souples ; et voilà que, tout à coup, il songeait à la triste réalité, à son pauvre cœur malade, à cette lutte contre lui-même qu’il soutenait depuis si longtemps, et qu’une apparition soudaine venait de ranimer,